La Russie

Un pays aux milles visages

   
   
 
 

 La difficile mais nécessaire diversification de l'économie :

L'avenir de la Russie se jouera davantage dans les nouvelles technologies de l'information et les biotechnologies que dans les industries minières. Reste à mettre en oeuvre les stratégies d'investissement qui rendront possible cette transformation. (La tribune : Emmanuel Grynszpan, à Moscou - 01/11/2011, 14:06)


Le Premier ministre et probable futur président Vladimir Poutine insiste beaucoup, depuis quelques semaines, sur le besoin de stabilité du pays. C'est une idée qu'il défend depuis longtemps, et au nom de laquelle il a conçu une forme de pouvoir centralisé, en prise directe avec les secteurs clés de l'économie russe, au premier rang desquels l'énergie et les matières premières.
Pour de nombreux Russes, l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, en 2000, a coïncidé avec une nouvelle période d'expansion économique, avec une croissance annuelle moyenne jusqu'en 2008 d'environ 6 %. Force est de constater que cette croissance a été alimentée très largement par la hausse des cours du pétrole pendant cette période, qui a apporté des ressources nouvelles à l'État, aux régions productrices et à une nouvelle classe moyenne aisée, travaillant dans l'énergie, les services ou la finance. La rente pétrolière a permis d'annuler la dette étrangère du pays, d'afficher un déficit budgétaire quasi nul et d'assurer une balance commerciale très largement positive avec tous ses grands partenaires commerciaux (l'UE, la Chine, l'Ukraine).

 Peu de réformes mises en oeuvre :

En revanche, cette manne n'a guère porté le Kremlin à mettre en oeuvre les réformes nécessaires pour résoudre les problèmes structurels de l'économie russe, qui la rendentsi vulnérables aux fluctuations extérieures. Ces fragilités sont multiples : création de richesse concentrée autour des industries d'extraction ; énorme poids des dépenses sécuritaires sur le budget ; une extrême concentration des pouvoirs politiques, économiques et financiers dans la capitale tandis que le reste du pays continue à perdre des habitants. Il faut ajouter à cela un vieillissement accéléré des infrastructures industrielles, sociales et de transport qui gêne considérablement le développement économique. Jusqu'à ces dernières années, le niveau d'investissement dans la recherche et les nouvelles technologies n'a été maintenu que dans quelques secteurs clés comme l'espace, l'armement et le nucléaire, mais avec des succès mitigés, liés notamment à une efficacité relative de la dépense publique dans ces secteurs. La corruption dans les milieux du pouvoir, contre laquelle le président Dmitri Medvedev a lancé de multiples campagnes durant son mandat, n'a pas décru de façon significative ces dernières années. La vulnérabilité des entrepreneurs vis-à-vis des fonctionnaires (police, justice, fisc, etc.) bride encore les investissements et favorise l'exode de capitaux à l'étranger, phénomène qui atteint un pic à chaque cycle électoral. Le gouvernement peut toutefois se targuer de quelques succès. La politique budgétaire très conservatrice de l'ancien ministre des Finances Alexeï Kudrin a permis, grâce à la création d'un important fonds de stabilisation alimenté par les recettes de la fiscalité sur le pétrole, le sauvetage du système financier russe en 2008. De sages décisions ont favorisé l'investissement étranger, comme un taux de taxation très bas sur le profit (13 %), un éventail de mesures encourageant la localisation de la production, et un soutien ferme à deux anciennes industries phares de l'époque soviétique (aéronautique et automobile). qui permettra peut-être de sauver ces secteurs. La taille du pays (143 millions d'habitants) a fait le reste pour attirer les investissements. La quasi-totalité des grands groupes internationaux est désormais exposée à la croissance de la consommation russe. Tous les grands constructeurs automobiles ont par exemple installé des usines d'assemblage sur ce marché.

 

 Moscou, centre financier et technopole ?

Le Kremlin réalise aujourd'hui avec un temps de retard combien la diversification de l'économie est indispensable pour maintenir son rang dans le concert des nations. Dmitri Medvedev veut faire de Moscou un centre financier international et une technopole rivalisant avec la Silicon Valley. Mais la conjoncture est désormais beaucoup moins favorable. Le ministre des Finances Anton Siluanov a rappelé début octobre qu'un ralentissement global de la croissance touchera les exportations russes d'hydrocarbures et de métaux. Il a chiffré la conséquence : pour chaque dollar cédé par le baril de pétrole, ce sont 1,8 milliard de dollars de manque à gagner pour le budget. Son prédécesseur, Alexeï Kudrin, avait été limogé le mois dernier pour avoir contesté les choix budgétaires que le Kremlin veut opérer au profit des secteurs aéronautique, automobile et militaire, au détriment d'investissements urgents dans l'infrastructure, l'éducation, le logement et la santé qui garantiraient des retombées positives à moyen et long termes. Le vice-ministre de l'Économie Stanislav Voskressenski a d'ailleurs confirmé l'étroitesse du lien qui unit encore le prix du baril à la croissance russe en affirmant le 20 octobre dernier qu'une baisse du brut à 80 dollars ferait glisser la croissance russe à 2,5 %.
Le Premier ministre Vladimir Poutine attend une croissance de 4 % cette année, alors que le baril oscille autour de 110 dollars. Le nouvel âge économique de la Russie, reposant sur un développement harmonieux des autres secteurs et des investissements significatifs dans les technologies de demain (à l'image de Rusnano, la société d'investissement spécialisée dans les nanotechnologies et les biotech), sera probablement sur l'agenda du prochain Président. Lors de la réunion du G20 de Cannes qui débute aujourd'hui, 3 novembre, la Russie adoptera probablement les mêmes positions offensives que celles qu'elle a prises lors des précédentes réunions.

 

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